samedi 28 août 2010

La lourde responsabilité de l’État

On ne peut mettre éternellement sur le dos de la fatalité et du destin les contrecoups répétés des catastrophes naturelles. Car la responsabilité première de l’Etat est largement soulignée par les textes.

Le décret datant d’août 1985 relatif à la prévention des risques de catastrophes est explicite à ce propos. Son article 1 stipule que l’autorité «est tenue de prendre et de mettre en œuvre les mesures et normes réglementaires et techniques de nature à éliminer les risques susceptibles de mettre en danger la sécurité des personnes, des biens et de l’environnement ou à en réduire les effets.» Les articles 2 et 3 font appel à chaque ministre et wali de veiller à mettre en application cette exigence réglementaire.

Rachid Safou.
21/08/2010

La réglementation, ce précieux outil de lutte

Sur le terrain, face à la démission ou la léthargie des autorités locales, la société civile et le citoyen concernés par les risques des inondations mettent très rarement à profit la réglementation algérienne. Et pourtant, celle-ci stipule que la prévention des risques des inondations doit être considérée comme une affaire commune des représentants du territoire, de l’État, et de tous les acteurs locaux concernés : walis, conseils exécutifs, chefs de daïras et présidents d’APC.

Cette réglementation souligne la nécessaire élaboration de la stratégie locale de prévention contre les risques d’inondation. Dans ce cadre, un certain nombre d’actions sont exigées: connaissance des risques, surveillance des phénomènes, information de la population, prise en compte des risques dans l’aménagement du territoire, travaux de prévention, préparation aux situations de crise, et retour d’expérience afin d’évaluer les actions entreprises.

Rachid Safou.
21/08/2010

Bonne nouvelle

Les maintes remarques récurrentes de spécialistes algériens ayant un rapport avec les inondations, qui revenaient à la charge à chaque fois que l’occasion leur a été donnée, ont fini par trouver leur exutoire. L’État vient, dans le cadre de son programme quinquennal 2010-2014, de réserver un budget de quelque 40 milliards de dinars destiné à protéger les villes du pays contre les inondations.

Par ailleurs, d’après le recensement effectué par les services de la Protection civile, une commune sur trois, soit quelque 485, sont susceptibles d’être inondées en partie ou en totalité. Ainsi, une carte de toutes les zones inondables en Algérie est en cours d’élaboration.
Elle permettra d’identifier clairement les zones à risque. Il en était temps !

Rachid Safou.
21/08/2010

Déluge saharien

Personnifiant presque un orage de notre Sahara, Pierre Benoit, l’écrivain français qui a signé le célèbre roman “L’Atlantide” dont voici un extrait, le décrit ainsi : “Dans l’atmosphère immobile, quelques grains de sable se mirent à tourner en rond, nous donnant par avance le spectacle microscopique de ce qu’allait fondre tout à l’heure sur nous.

Brusquement, le vent s’éleva et le jour sembla s’éclipser du ravin. Un éclair aveuglant déchira l’obscurité.
Un coup de tonnerre retentit, répercuté à l’infini, et aussitôt d’énormes gouttes tièdes ne se mirent à tomber. En un instant, nos burnous tendus par la vitesse horizontalement derrière nous furent collés à nos corps ruisselants. Soudain, sur notre droite, une faille venait de s’ouvrir au milieu de la muraille. C’était le lit presque à sec d’un oued. Un véritable torrent s’en écoulait déjà avec fracas. Tout le temps que dure ce déluge, une heure, deux peut-être, nous demeurions sans un mot.”

Rachid Safou.
21/08/2010

Comment et pourquoi se déclenche une crue ?

Faisons connaissance avec le milieu physique des oueds et voyons comment ils fonctionnent. La perception des événements catastrophiques naturels est tout autre chez le scientifique. Dans le cas des inondations, celui-ci les interprète d’abord en termes de bassin versant. Ce dernier est, comme son nom l’indique, une sorte de bassin naturel. Sur le plan des contours et de la régularité il diffère de ceux conçus par l’homme. Ces bassins peuvent être tout petits, comme celui de Oued Koriche, qui s’étend sur dix kilomètres carrés, ou immenses comme ceux du grand Sud qui peuvent atteindre des centaines de milliers de kilomètres carrés, avec des sous-bassins qui viennent s’y greffer. Les bassins ont pour muraille les collines et les montagnes. Les sommets de ces murailles sont appelés par les scientifiques ligne de crête ou ligne de partage des eaux. À ce niveau, chaque goutte de ce précieux liquide tombé du ciel glissera vers l’un ou l’autre bassin de ce relief.


C’est ici que prend la naissance des oueds. Les pluies qui empruntent leurs flancs forment des petits

Cours d’eaux dites secondaires qui se dessinent souvent sur une carte en chevelu. Ils vont se converger aux points les plus bas du ou des reliefs pour former les grands oueds. Selon la nature du terrain, une partie de cette eau va s’infiltrer, une autre va s’évaporer en fonction du climat qu’il fait et le reste va ruisseler. Un tas de formules hydrologiques permettent de calculer chacune de ces quantités. L’eau aura, selon la configuration des lieux, un écoulement diffus, d’une petite lame s’étendant sur des oueds de dizaines de km de large comme c’est le cas au Sahara, ou au contraire, concentré sur des lits étroits, comme c’est souvent le cas au Tell. Les bassins versants se terminent au point le plus bas par des exutoires qui, selon les cas, sont étranglés ou vastes. C’est par ces couloirs, que les géologues appellent cônes de déjection, que toute l’eau sera évacuée, puis libérée.

Lorsque l’intensité des pluies est élevée et que la saturation des sols est vite atteinte, le ruissellement peut se transformer en torrent plus ou moins important.

Ainsi, les oueds n’ont pas toujours une activité régulière comme l’homme souhaite la voir. Ils passent plutôt par des épisodes extrêmes. Des crues décennales, centenaires et mêmes millénaires peuvent se manifester ! Même si cela nous déplait, la nature a de son côté tout prévu. Les lits de débordement, ciselés souvent avant l’apparition de notre espèce humaine, sont justement là, bien plantés, pour recevoir et évacuer tout type de crues. Ces espaces ne sont pas appelés par hasard “lits majeurs” ! Et lorsque l’eau passe par-là, comme cela s’est produit à Alger lors des inondations de novembre 2001, ou bien ces derniers jours dans les wilayas des Hauts-Plateaux, elle ne fait que reprendre ses droits.

Rachid Safou.
21/08/2010

INONDATIONS LA CULTURE DE LA PRÉVENTION

Alors qu’on compatissait avec les populations pakistanaises et indoues touchées de plein fouet par les inondations, la nature vient ces tout derniers jours nous dévoiler nos propres lacunes. Une manière de nous dire: tant que l’on continue à vouloir sans la moindre considération concurrencer la nature dans notre folle occupation des espaces, on ne fera qu’en payer les frais.


On parle souvent en milieu professionnel de culture de prévention. Eh oui, la prévention est une culture. Celle-ci est malheureusement, autant au niveau des institutions étatiques que chez le citoyen, faiblement présente en Algérie. Il n’y a pas plus effrayant que de prendre conscience qu’une bonne partie de nos villes et villages sont édifiés sur des lits d’oueds ! Ceci est particulièrement vrai pour le Sud. À la moindre inondation, ces cités sont sinistrées. Les ouvrages de protection ont, lorsqu’ils existent, des effets très limités. Le climat de cette partie du pays étant totalement différent du nord, la saison de sécheresse s’installe du mois d’octobre au mois de mai. Quant à l’hivernage, il est géré comme en Asie, par la mousson, et les inondations apparaissent en juillet et août. Chaque année, une région de ces contrées est détruite, des centaines d’habitations (généralement en toub) croulent. Certains, se rappelant la désolation de In Guezzam située au sud de Tamanrasset, racontent : “Des quartiers sont dévastés, de la boue partout, des véhicules légers et même de gros camions renversés, prisonniers des eaux; des tôles complètement tordues, des madriers qui flottent aux côtés des dépouilles d’ovins cinq jours après la catastrophe, des enfants qui barbotent à moitié nus…” Il se trouve des régions du pays qui ont connu des inondations aussi importantes que celles de Bab El-Oued. En pleine guerre de Libération, en hiver 1957, une crue centenaire avait emporté des villages entiers de la Kabylie, plus précisément dans la région d’Akbou. Deux oueds sont venus associer leurs forces.

Oued Bousalem qui prend naissance près de Sétif et de la chaîne des Bibans à200 km, et Oued Sahel du Djurdjura. Pour endiguer ces manifestations meurtrière set récupérer l’eau, deux barrages furent construits récemment sur chacun de ces cours d’eau. Les citoyens de Sidi-Bel-Abbès, qui redoutent le débordement de l’Oued Mekkara qui emporte périodiquement des dizaines de victimes, semblent avoir trouvé une solution puisqu’une grande étude est lancée.

À l’est, la ville de Batna, qui connaissait la même situation, a réceptionné une galerie de déviation des eaux pluviales de trois kilomètres. Justement, face à ces catastrophes quine ne touchent pas que l’Algérie, et dans le souci de les prévenir, il y a deux ans, à Lami-août, s’est tenu à Washington le premier meeting international sur la gestion des risques majeurs. Quelque 130 pays ont participé à cette réunion dont l’Algérie. À l’issue de cette rencontre, le monde a été divisé en 7 régions, dont celle de la Méditerranée. Un chercheur algérien a fait remarquer à l’occasion : “Il est indispensable de s’intégrer dans la communauté internationale pour se doter de moyens performants de lutte contre les catastrophes naturelles, vu la grande expérience dont jouissent les pays occidentaux.” Un autre ingénieur algérien relèvera : “Aujourd’hui, tout un ensemble de concepts, d’outils méthodologiques, de dispositions et d’ouvrages d’assainissement sont nés de recherches entreprises dans les pays industrialisées. L’Algérie doit penser à leur usage pour réduire les conséquences des phénomènes pluvieux exceptionnels. Ces techniques reposent sur le principe de ralentissement des écoulements dans les bassins urbains.”

Rachid Safou
21/08/2010

LES FRUITS DE MER

Très peu sont les fruits de mer connus et exploités pour leur intérêt gastronomiques. Petit à petit, nos traditions culinaires (du moins pour les populations côtières dont le vécu était lié à la mer), se sont estompées au profit de recettes dites «modernes». Mais, depuis peu, un intérêt, certes timide, se manifeste pour ces produits. En tout, elles sont 48 espèces susceptibles d’être exploitées. Cela permettra de diversifier les ressources et atténuer la pression sur les autres espèces. Les chercheurs océanologues Bakalem et Grimes soulignent à cet effet : «Il s’agit d’explorer sérieusement la possibilité d’exploiter ces espèces à fortes valeurs nutritives et commerciales». Ainsi, pour les seuls coquillages, moins d’une dizaine d’espèces sont cueillies de manière artisanale, ou occasionnelle. On y trouve les clovis (haricots de mer), les moules et les palourdes. Cette importante ressource n’est pas valorisée, alors qu’elle compte 26 espèces de bivalves dont la délicieuse Saint Jacques, la datte de mer, les amandes, les coques, les couteaux, la mactre et le vernis. Il en est de même pour les céphalopodes dont on dénombre plus d’une quinzaine d’espèces intéressantes alors que seules la sépia (seiche), le poulpe (pieuvre) et le calmar sont exploité. Puisque nous sommes sur le registre des inventaires, citons encore les crabes : il en existe une douzaine d’espèces, nullement exploitées en Algérie. Les plus connus sont l’araignée de mer, le crabe honteux, le crabe vert et l’étrille. Les 5 espèces de gastéropodes, ces escargots de mer, tels les bigorneaux, les ormeaux ou les oreilles de mer avec leurs 5 espèces, sont encore loin d’être sollicités. La liste ne s’arrête pas là, puisqu’il est possible de valoriser également 3 espèces d’oursins, 6 de concombres de mer, 5 de procordé et 3 espèces d’éponges. Enfin, et pour clôturer ce long tour d’horizon, parlons de cirripèdes, ces espèces de substrats rocheux côtiers qui, elles aussi, à l’exception du « pousse de mer », ne font l’objet d’aucune exploitation sur toute la côte algérienne.




Rachid Safou
14/08/2010

DES SAVEURS SIGNÉES MER ET MONTAGNE

La question environnementale peut surgir de mille et une manières. En ce mois de Ramadhan, elle peut s'annoncer par exemple par la gastronomie. Cette dernière nous transporte d'ailleurs au coeur même de la faune et de la flore dont nos grands-parents étaient si attachés. Rabéa Nedjar, une artiste fière de sa contrée, déclare à ce sujet : « La cuisine chenouie nous vient de la nuit des temps. Elle n'a rien à voir avec les autres régions du pays. J'essaie de la transmettre comme a su le faire avec moi ma tante paternelle avec laquelle j'ai presque tout appris.» Elle évoque souvent cette tante. Elle parle de son jardin où elle cueillait la plupart de ses plantes, du four traditionnel (coucha) fait à base de terre, où elle faisait cuire les différentes sortes de pain aux herbes… Puis, les images se télescopent dans sa tête. Elle évoque pêle-mêle ce concours mémorable de 1987, où elle a été primée, pour avoir préparé un couscous au mérou et des nouilles au poisson. La cuisine chenouie, dit-elle, est unique, « elle se différencie des autres régions kabyles, chaouie … par son important apport marin. L'huile d'olive et les herbes sont omniprésentes. On cuisine avec pas moins d'une cinquantaine d'espèces ». Pour nous convaincre, elle citera les plats à base de palmier nain (yourak), de la sardine farcie aux différentes herbes, ou en boulettes mais sans riz … Elle reprendra, après un temps de pause, pour énumérer d'autres recettes. La friture d'anémone de mer et de tomate de mer, la tchicha par exemple, appelée aussi imzen, un plat à base de blé d'orge et d'animaux marins ; les oursins et les coquillages… En parlant de coquillages, elle s'attardera sur le ragout de bigorneaux, ces escargots de mer mélangés aux coquillages chapeau chinois, le tout cuit avec une pierre marine. « Je me rappelle de ces familles de conditions modestes qui se nourrissaient de produits marins à portée de main. A l'époque, elles ne connaissaient pas la famine. Elles cuisaient la tchalba sur de la braise, à feu doux, en l'intercalant de couches de palmiers. » Il est vrai, qu'en ces temps-là, chaque foyer recevait gratuitement son kilogramme de sardine de la part de l'un des membres pêcheurs de la famille, qui le ramenait du port de Tipaza ou Bouharoun. Au petit- déjeuner, avant 10 h du matin, grands et petits dégustait ce poisson à l'oignon arrosé de jus de citron. Les nombreuses recettes de sardine farcie étaient économiques. Habitant Tipaza, elle rendait souvent visite à ses tantes qui habitaient la proche montagne, sur les hauteurs de la Plage bleue. Là, elle oubliait volontiers la cuisine française, une spécialité de sa mère, au profit de la cuisine traditionnelle, qui libérait à profusion les senteurs, les goûts, les couleurs, les rituels et le cadre féérique, spacieux, nécessaire à la gestuelle. La cuisson se faisait sur un feu de bois à base de racines d'arbres (djedra), d'oseille ou de pommes de pin. Un jour, c'est un hérisson des fourrés, un autre des perdrix, un lièvre sauvage, ou, à défaut, un poulet de ferme qui passait à la terrine, mais avec toujours beaucoup d'herbes plus ou moins dominantes. Etant à l'origine de l'apparition de l'urticaire, l'ortie devient délicieuse dans les soupes. En l'écoutant parler ainsi, on l'entendrait à peine dire que «les secrets et les richesses sont en montagne». Par montagne, elle inclut toute la population chenouie, qui s'étend jusqu'aux reliefs de Menacer et Gouraya. « Notre cuisine était bio et saine. Les jardins étaient irrigués par des sources naturelles où l'on cueillait le cresson.» Vous lui parlez de fleurs (?), elle les évoque pour l'art culinaire, comme le pissenlit, la bourache farcie aux poissons, ou en ragoût de pomme de terre sautée avec de l'ail. Vous lui parlez de fruits (?), elle vous laissera saliver avec cette confiture de raisin muscat aux amandes … Hélas, de toutes ces recettes, on ne retrouvera pas une seule aux menus des restaurants de Tipaza et du Chenoua ; cet art et patrimoine culinaire sont déclarés non grata ! Le dos est tourné à nos racines et à notre identité. Mais Rabéa Nedjar, cette petite fonctionnaire qui a décroché plusieurs prix gastronomiques nationaux et étrangers, ne perd pas espoir d'ouvrir, un jour, son propre restaurant. Elle y fera mijoter des plats typiquement chenouis comme le tikourine, ces boulettes aux herbes cuites à la vapeur ou le tarwet. Ce dernier mets nécessite 24 plantes, dont l'oseille sauvage (tacemount) est le principal ingrédient. En attendant, elle prépare différents plats sur commande, notamment pour les étrangers : des algues à la vapeur à base de fenouils marins, appelés aussi christe marine, une plante qui pousse dans les infractuosités rocheuses en bord de mer, et qui se marie bien avec la salade laitue et la pomme de terre. Le couscous aux poissons et le pain aux fines herbes demeurent les plus prisés. A cet effet, Rabéa utilise des farines spéciales, à base d'orge, de son, de seigle pour pétrir ses pains complets ou de campagne, mélangés de graines de nigel, de coriandre, de sésame et d'anis. Tout cet art n'est-il pas en fait une invitation à renouer avec notre milieu originel, sans lequel on perdrait les saveurs et les poésies les plus raffinées transmises par plusieurs civilisations ?




Rachid Safou
14/08/2010

LE MONT CHENOUA Ce rocher venu de la mer

«Mais à regarder l'échine solide du Chenoua, mon coeur se calmait d'une étrange certitude.»


Albert Camus.



Cette étrange masse rocheuse, bien individualisée, pieds dans l'eau, s'incline doucement (après une brusque escalade de 900 m) vers les courbes gracieuses de la plaine de la Mitidja. On peut l'observer par temps dégagé, d'Alger, du «balcon» de Bouzaréah. Tout, absolument tout fascine : ses prismes physiques, marins, historiques et culturels. C'est le cas par exemple de cette plante médicinale appelée vraie guimauve, que les botanistes considéraient disparue d'Algérie et qui ressurgit en ces lieux, par enchantement, avec une cinquantaine de plants.



Belhay, tout comme Betroni, deux chercheurs passionnés de ce bout de terrain, ont suivi les péripéties de sa naissance en pleine mer, mesuré la vitesse et les années qu'il a fallu à cette île, pour venir se blottir sur le continent après les multiples hésitations de ses falaises, à sortir de l'eau. Si, l'un a pris une loupe pour détecter les ricochés des météores qui lui ont gratté le dos, l'autre lui a dédié un poème filmé. Si très peu d'artistes lui sont aujourd'hui amarrés, l'idée de sa protection sous la bannière d'une réserve est largement partagée, même si elle peine à se concrétiser. Les 15 dernières années qui ont contribué à maintenir ces lieux dans la solitude, sont un autre atout pour préserver ce paradis de l'inconscience et l'égoïsme humain. Le refuge de Lalla Foughal, la sainte patronne des lieux, qui domine du point le plus élevé de cette montagne, ne voit plus ses visiteurs défiler depuis qu'il a été détruit. Une très vaste clôture militaire en béton y interdit l'accès depuis 3 ans. Un minimum de points de repères est indispensable à tout visiteur de ce petit massif. Son relief, constitué de collines et de basses montagnes, qui culmine à 9005 m d'altitude, accroche vite le regard. Certes, ce n'est pas le Hoggar, mais le Chenoua est une montagne à terrains essentiellement primaires, c'est à dire anciens. Ces terrains se trouvent sur son versant nord avec, notamment, des schistes noirs qui datent d'environ 400 millions d'années. La période dite quaternaire, c'est-à-dire la plus récente, et qui varie de 1 à 2 millions d'années est pratiquement absente. Il faut se déplacer vers les terrains du versant sud pour y trouver les plus jeunes, qui vont de 35 à 100 millions d'années. Une autre curiosité est couvée dans ce versant sud et au sud-est : des roches volcaniques pointent sur de faibles surfaces. Cette roche basaltique, nous la trouvons également, affleurant la mer, du côté de la « Plage bleue ». Quant aux crêtes, pics et falaises abruptes du versant est, ils sont de natures calcaires dures, bonnes pour l'escalade. La richesse géologique des terrains a permis de « peindre » à profusion ce massif : des dégradés de jaunes, de rouges tachés, de bruns et autres lumières y sont généreusement distribués. Quant à la forêt, elle est dominée par le pin d'Alep dont la résine emplit l'air de ses parfums. On y trouve aussi le thuya, l'olivier, le myrte, la lavande et le lentisque. Les pentes sont généralement fortes. Presque les 3/4 de leurs superficies sont aptes au reboisement. Mais, une dégradation avancée de la végétation est observée. En plus des feux de forêt, dont les derniers ont calciné 130 ha au versant Est, plus de la moitié de la superficie forestière est clairsemée. Cela a engendré une forte érosion «qui risque de prendre des allures catastrophiques, avec des glissements de terrain» notent des observateurs avertis. Et pourtant, le Chenoua est un massif relativement peu sensible aux facteurs de l'érosion. Il fait bon y vivre dans cette montagne marine. Ce fier monument ne dévoile réellement ses secrets qu'à ceux qui prennent la peine de les connaître, en prenant un guide, qu'il n'est pas aisé de trouver.



Rachid Safou.
14/08/2010

Les braconniers des fonds marins

C’est l’été. La mer attire les estivants par millions. Chacun s’adonne à son activité préférée. Les uns sont respectueux du milieu, d’autres non. Les pêcheurs et les chasseurs sous-mariniers en sont un exemple. Justement, certains comportements nous affligent. Que peut bien ressentir un chasseur en remontant au bout de son harpon un poisson gonflé d’œufs ? Ces jours ci, profitant du peu de temps qui reste avant le mois de Ramadhan, on force sur le champignon le long de nos côtes. Des personnes censées donner l’exemple se prêtent à ce jeu. Certains chasseurs rejoignent les clubs de plongée sous-marine pour une formation technique avec cet arrière pensé. La chasse devient alors un combat à armes inégales. Les accidents barométriques (paralysie du corps) sont enregistrés essentiellement dans cette sphère où le gain prend le dessus. Un braconnier vient de vendre tout son matériel (zodiac, bouteilles, tenues, fusils …) après un accident de décompression. Depuis, il n’arrive plus à monter les escaliers. L’ancien sportif est vite essoufflé. Accompagné d’un jeune mineur comme adjoint qui plongeait sans la moindre notion technique, il semait des ravages partout où il passait. Plusieurs gros mérous, des cigales, des langoustes étaient ainsi remontées et vendus à différents restaurants. Et pourtant la vente des prises est prohibée par la réglementation. Un autre à Annaba, il y a deux mois, n’est pas sorti indemne. Son braconnage, il l’a payé de sa vie. Cette même mort nous rappelle celle d’un autre, à l’automne dernier dans la même région. Délivrer un permis ou une licence de chasse est une lourde responsabilité. Ceux qui la délivrent devront normalement et en premier lieu, se soucier d’inculquer les notions élémentaires de l’environnement. Et pourtant, ce n’est ni le potentiel formateur qui manque, ni l’intéressement des plongeurs. Certains clubs ou plutôt éléments, développent d’appréciables efforts pour combler les lacunes et contribuer à changer les mentalités en introduisant un cours spécial sur l’éthique du plongeur pour les brevets. Une bonne part de responsabilité incombe aux clubs et à la Fédération des sports aquatiques subaquatiques. Il y va de la crédibilité de cette discipline si proche de l’environnement.


Rachid Safou
07/05/2010

Le serpent et la guêpe

Certaines petites histoires de nos contrées se révèlent de véritables baromètres de l’état de notre environnement. La semaine passée, un citoyen s’est présenté à la mairie de Chebita-Mokhtar, à El Taref, pour solliciter un certificat de résidence. Il a essuyé un refus. Pour se venger, il revient avec un serpent approchant les 2 mètres et le balance dans cette enceinte. La panique est générale. Le reptile qui a essayé tant bien que mal de se cacher, fut sans hésitation tué et l’instigateur poursuivi en justice pour menace aux humains. Finalement, le citoyen et l’autorité n’en ont cure du respect de la faune et des textes qui régissent l’environnement. Ainsi, ni le Parc national d’El Kala qui s’étend sur presque toute cette wilaya ni les travaux et une expédition spéciale étude des reptiles que mène une prestigieuse Académie royale anglaise dans cette même wilaya, n’arrivent à déteindre sur nos comportements et faire valoir le droit à la vie et au respect des reptiles qui sont tous, mondialement protégés. Ce bestiaire nous fait rappeler un autre, qui s’est déroulé non loin de cette wilaya, à Skikda. Des forces combinées de la Protection civile, des directions de l’environnement, de la santé, de l’agriculture et des services de l’APC, sont montées de nuit, à l’assaut d’un important nid de guêpes d’une surface de 6 m2 et de 2 m3 de volume. En deux temps, trois mouvements, une colonie de 700 000 individus fut fortement arrosée par des produits insecticides et fièrement anéantie. Nos institutions censées respecter la vie sauvage comme le stipule la loi et qu’elles ne peuvent ignorer, ont fait rater à nos scientifiques une chance inouïe d’étudier une forteresse qui a mis 40 ans à être édifiée. Sous d’autres cieux, le phénomène aurait ameuté les entomologistes de nombreux pays, des cameramen et des photographes animaliers.


Rachid Safou
07/05/2010

Notre monde souterrain prend les airs par les timbres

Algérie poste vient ces jours ci d’éditer deux timbres sur les grottes d’Algérie. Le premier site concerne la grotte merveilleuse de Jijel et le second celle de Ain Fezza à Tlemcen. C’est une première. Mais, s’il y a lieu de noter cette initiative, le maître aurait souligné « peut mieux faire ». Effectivement, ces deux cavités sont loin, très loin d’être les exemples les plus forts de notre patrimoine souterrain, même s’ils sont les plus médiatisées. Et pourtant, dés la conception de ce produit, les spéléologues algériens ont pris attache avec la sous direction philatélie d’Algérie poste, pour leur expliquer longuement l’évidence de mettre en avant, et par priorité, les sites les plus importants. Ces derniers, sont le Gouffre du Léopard ou Anou Ifflis (situé sur les hauteurs du Djurdjura) et Ghar Boumâaza à Tlemcen. Les deux sites d’aventure extrême sont répertoriés dans la littérature universelle comme étant les plus importants d’Afrique. Le premier, à coups de puits multiples, descend à plus de 1150 m et est agrémenté de tâches mondialement exceptionnelles par leur ampleur. Le deuxième est en fait une rivière souterraine qui s’étire sur plus de 18 km et demi avec de longs bassins d’eau de 5 m de profondeur. Finalement, notre administration a opté par ces deux émissions, pour la solution de faciliter. Résultat : deux timbres de mauvaise facture. N’ayant pas pu s’appuyer sur des documents fiables, le talentueux dessinateur Ali Kerbouche n’a pas pu restituer l’image réelle des lieux. Sur le plan du texte, le philatéliste a de très faibles données, très générales où l’essentiel est occulté. Algérie Poste avait en fait prévu d’émettre deux autres timbres illustrant les grottes. L’un concernant une cavité à Oum El Bouagui et l’autre à Skikda. Deux cavités « recommandées » mais banales par rapport à des dizaines de cavernes d’un intérêt incomparable à tout point de vue. Néanmoins, cette institution semble après coup, reconnaitre son erreur et promet de rectifier le tir en s’appuyant sur des professionnels du domaine, les spéléologues. Ainsi, les « pauvres » Anou Ifflis et Ghar Boumaaza figureront en 2011. Ils seront émis en blocs feuilletés pour toute la place qu’ils méritent. Il est clair que le souci de la recherche de la vérité passe par la sollicitation des compétences et la vérification de l’information. L’inverse donnera - à l’image de notre chaine TV et certains articles de notre presse – des informations erronées, annoncées de temps à autre et doctement, comme par exemple « la grotte touristique de Benni Add à Aïn Fezza, se développe sur 150 km, jusqu’au Maroc, et elle est l’une des plus belles au monde ! ». La vérité est tout autre. Explorée au début du siècle dernier, cette grotte qui suscite des fabulations ne dépasse pas les 400 m topographiés !




Rachid Safou
07/05/2010

LA GROTTE MERVEILLEUSE DE JIJEL Le ventre marin a enfanté la chambre d’Antinéa

Aux abords de la Grotte Merveilleuse on se bouscule. Des files se forment pour visiter ces entrailles de la terre. Par groupes, les guides du parc national de Taza tentent tant bien que mal, et du matin au soir, d’animer en 15 mn, les visites le long d’un circuit fermé bien éclairé. On est très vite dépaysé par le charme des lieux. Transporté dans un autre univers où tout étonne, on ne cesse - souvent bouche bée - d’embrasser des yeux toutes les directions.


Les multiples formes et couleurs de stalactites, stalagmites, et draperies interpellent à chaque pas. D’énormes piliers stalagmitiques semblent soutenir la voute haute d’une quinzaine de mètres mais qui s’abaisse graduellement jusqu’au fond situé à quelque 40 m de la fin du couloir d’entrée. Les traces d’un ancien lac ayant occupé la salle sont visibles sur la paroi de droite. La grotte fut découverte en 1917 lors de l’élargissement de la route nationale suite à l’explosion d’une mine et non pas à la faveur d’un marteau piqueur comme on le prétend. Elle n’a ni galerie ni chambres annexes, mais plutôt une seule grande salle à plafond haut. Les concrétions, ces structures minérales l’ont départagées en de nombreux espaces ayant reçu des appellations diverses : la pieuvre, le chapeau chinois, les choux-fleurs, les bouddhas, la chambre d’Antinéa, le temple d’Angkor, la salle des nénuphars, l’oreille d’éléphant, le bigorneau… Les agents du parc national préfèrent leur attribuer d’autres images même si c’est indélicat de changer les noms donnés par les premiers explorateurs et scientifiques qui ont dressé les relevées topographiques des lieux. La Grotte Merveilleuse, qui fut également appelée Ghar Adim est classée comme monument naturel dès 1943. Elle offre non seulement de purs plaisirs pour les yeux mais aussi une occasion en or pour expliquer concrètement, d’une manière vulgarisée, l’histoire et le fonctionnement de ce bout de nature, oh combien fascinant. Même si l’ancien guide Amar et le jeune Abdelhamid ne manquent pas de volonté pour y arriver, ils se limitent généralement, hélas, et à défaut de formation, à des explications fantaisistes. ARRIVERONS-NOUS À RÉPANDRE LES LUMIÈRES SOU TERRAINES ? Terrestre qu’elle en a l’air, cette cavité est née d’un ventre marin. Sa formation et son creusement sont semblables à celles qui longent la corniche entre Oued Taza et Oued Agrioun qui se faufile depuis Kharata. À l’origine, tout a commencé par une fissure ouverte par le truchement de la vie rocheuse de Djbel Hamra où se développe la curiosité d’aujourd’hui. À l’âge pléistocène, il y a un million d’années, ce vide a amorcé un plongeant en mer, suite à un abaissement du socle continental qui le couve. À l’aide de galets, les eaux salées se sont acharnées à élargir cet espace creux qui leur est offert. Des traces de plafond arrondi et de parois polies le démontrent aujourd’hui. Les sondages effectués dans les années 1940 par J. G. Birbent, un mordu de spéléologie qui tentait de faire jonction avec la mer, ont révélé que la partie inférieure de la grotte fut comblée par des blocs. Une coupe de terrain dans la salle d’entrée a mis à jour également, les différentes périodes de la vie et de l’évolution de cette cavité. Quant aux magiques décors de stalactites, draperies et autres concrétions, elles se sont manifestées bien plus tard. Elles sont façonnées patiemment par des gouttes d’eau chargées de calcaire. Les infiltrations externes des eaux de ruissellement des pluies y ont joué un rôle non négligeable. Mais il semble que l’humidité et les condensations des parois sont de loin, les instigateurs les plus importants de ces sculptures. Ainsi, la Grotte Merveilleuse avait une particularité. Elle était sèche en hiver, même après les fortes chutes de pluie, mais très humide en été. Des formations de brouillard furent même observées tantôt dans sa partie inférieure, tantôt dans sa partie supérieure. Le débit des suintements des stalactites variait également très sensiblement en une journée ! Les eaux de condensation semblent être très pures et jouent un rôle auto nettoyant. La grotte renferme d’autre part, certaines formes de concrétions très particulières, des fantaisies de cristaux qui partent dans des sens opposées à celui de l’apesanteur. Lors de l’hiver 2004, en pleine neige, une sorte de brouillard ou de vapeur s’est dégagée d’une fissure en contact avec la surface externe. RÉPARER LES TORTS Dés l’ouverture de l’actuelle entrée, il y a de cela plus de 50 ans, hélas, il y eut un changement total du système de condensation à cause de l’écoulement plus rapide de l’air froid. Une diminution considérable des suintements fut observée par les anciens chercheurs. Cet état de fait ne va pas sans influer sur le monument. L’installation d’instruments de mesure - qui devait se faire dans les années 1950 - afin d’étudier tous ces phénomènes s’avère aujourd’hui nécessaire. Pour réparer quelque peu ces dommages, la mise en place d’une double porte à sas réglable au niveau de la galerie d’entrée est également indispensable. Enfin, pour être respectueux du site et de l’esprit des parcs nationaux, bien d’autres mesures s’imposent. La diminution de la forte charge des visiteurs, qui dépasse pour les mois de juillet et août les milliers de touristes en est une.



Rachid Safou
07/05/2010