Dernière citadelle de résistance à
l’occupation française, témoin de la grandeur d’une ville bimillénaire et
véritable bijou architectural, le palais d’Ahmed Bey, à Constantine, a réussi
le pari de la "résurrection" après de longues années de restauration.
Le palais
d’Ahmed Bey, empreinte indélébile d’une cité à mille facettes, sera, en 2015, à
l’occasion du grand événement "Constantine, capitale de la culture
arabe" le joyau de la couronne de la reine Cirta, une ville chargée d’art
et d’Histoire.
Le palais
est l’œuvre du dernier bey El Hadj Ahmed Ben Mohamed Cherif (1784-1848), appelé
communément Ahmed Bey, né d’un ancien calife ottoman et d’une mère algérienne,
Rokiya Bengana, d’une famille aisée des environs de Biskra. Sa construction a
été entamée en 1825 pour être achevée dix années plus tard, en 1835, deux ans
avant la chute de Constantine.
S’étendant
sur 5.609m2, le chantier de cet édifice fut lancé en 1825. Ahmed Bey fit appel
à un ingénieur italien, de Gênes, Schiaffino, et à deux artistes réputés, El
Hadj El-Djabri et El-Khettabi pour leur confier la conception et la
construction du palais.
Ce dernier
renferme trois corps de logis principaux et un étage, séparés par deux
jardins : le jardin des orangers et celui des palmiers. Ses arcades sont
portées par des colonnes en marbre, de diverses provenances méditerranéennes,
au nombre de 266.
Le monument
princier compte également deux terrasses, deux fontaines en marbre et un patio.
Ses planchers sont pavés de marbre blanc et ses murs revêtus de faïence. Le
bois de ses 540 portes et fenêtres, ainsi que ses balustrades, généralement de
cèdre, sculptés et décorés en relief au moyen de différents motifs, fut
acheminé depuis les Aurès et la Kabylie.
Le palace
compte également 1.600 m2 de polychromies ornant les murs des galeries,
permettant non seulement une "datation", mais aussi une
"lecture" des différents événements historiques ayant marqué
l’actualité du Constantinois sous le règne d’Ahmed bey. La réhabilitation de
ses fabuleux tableaux, sévèrement endommagés, demande du temps et beaucoup de
savoir-faire.
Des efforts
considérables pour ressusciter une trace de l’Histoire de Constantine
Le palais a
servi, durant la période de colonisation, de résidence au général commandant la
division de l’état-major français. Il abrita aussi les services de la direction
du Génie. L’empereur Napoléon III y séjourna en 1865 lors de son passage à
Constantine. Plusieurs modifications, assimilables quelque part à des actes de
"vandalisme", ont été opérées aux niveaux interne et externe :
des parties entières ont été démolies tandis que d’autres ont été transformées
au bon gré de l’administration coloniale, "dont le respect des lieux
constituait le cadet des soucis", a-t-on déploré.
Des 300
pièces qui constellaient le palais, il n’en subsiste que 121 dont 119 servent
aujourd’hui de salles d’exposition. Dans les années 1980, la nécessité de
préserver un pan de l’identité nationale se faisant sentir, l’étude de
restauration fut confiée à des experts polonais réputés. Ces derniers ont
élaboré une expertise et une conception de travaux de restauration du palais
entre 1981 et 1986, comprenant une étude historique, basée sur des recherches
archéologiques, architecturales, géologiques et artistiques. L’étude est
considérée comme "véritable feuille de route". Entre temps, en 1984,
le palais Ahmed Bey fut classé patrimoine protégé.
Dans les
années 1990, le chantier de réhabilitation du palais fut lancé avec une phase
de consolidation des structures du monument. S’ensuivit la consolidation des
murs et des planchers, la remise à niveau des colonnes en marbre, la
consolidation des combles, la réfection de la toiture, le lambrissage des murs,
le revêtement du sol en marbre et la réalisation des travaux d’électricité, des
sanitaires et de la plomberie.
La
réhabilitation de ce repère de l’Histoire millénaire de l’antique Cirta fut un
immense chantier qui dura plus de deux décennies. Le monument princier a été
repris à l’identique. Le maximum de pièces de céramique, de marbre, de faïence
et de carrelage a été récupéré et réutilisé afin de conserver les formes et
restituer les mosaïques sur les murs.
Les portes
et les fenêtres du palais ont été restituées à l’identique, décapées et
nettoyées avec des matériaux naturels. Les anciennes anses des portes et
fenêtres et les gâches — pièces authentiques de l’ancien modèle du palais— ont
été reproduites.
Musée
national public des arts et des expressions culturelles pour raconter Cirta et
sa région
En 2010, le
palais a été ouvert au public, donnant lieu à deux magnifiques expositions
portant sur l’âge d’or des sciences arabes et sur la civilisation Fatimide.
Le palais a
été élevé au rang de musée national public des arts et des expressions
culturelles. Une nouvelle ère venait de s’ouvrir pour le palais.
Aujourd’hui,
l’édifice se prépare pour retracer des scènes de la vie, des situations et des
coutumes du grand Constantinois, dans des salles d’exposition permanentes, et
des galeries temporaires. Le grand public aura tout le loisir, durant ce mois
de célébration du patrimoine, de découvrir la salle dédiée à la mémoire des
Beys qui ont succédé au beylik de Constantine, une fidèle reproduction du diwan
du Bey Hadj Ahmed et des personnalités accoutumées au diwan, leurs costumes et
même leurs attitudes. Une étude "pointue" et une grande concertation
entre archéologues, historiens et associations versées dans la préservation du
patrimoine matériel et immatériel, a précédé la reproduction de ces scènes.
Dans un
style simple et sobre, en vue de préserver la beauté et la valeur du palais, le
musée national public des arts et des expressions culturelles abritera
également des expositions sur la cavalerie et l’armurerie à l’époque des beys,
fera reconstruire la chambre du bey Ahmed, "beït El Gaïd", remontera
l’histoire de la dinanderie dans la région, pistera les instruments musicaux du
Constantinois et relatera l’histoire et la beauté d’une ville qui promet d’être
encore plus fascinante et plus magique en 2015.
(APS)
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