samedi 28 août 2010

LE MONT CHENOUA Ce rocher venu de la mer

«Mais à regarder l'échine solide du Chenoua, mon coeur se calmait d'une étrange certitude.»


Albert Camus.



Cette étrange masse rocheuse, bien individualisée, pieds dans l'eau, s'incline doucement (après une brusque escalade de 900 m) vers les courbes gracieuses de la plaine de la Mitidja. On peut l'observer par temps dégagé, d'Alger, du «balcon» de Bouzaréah. Tout, absolument tout fascine : ses prismes physiques, marins, historiques et culturels. C'est le cas par exemple de cette plante médicinale appelée vraie guimauve, que les botanistes considéraient disparue d'Algérie et qui ressurgit en ces lieux, par enchantement, avec une cinquantaine de plants.



Belhay, tout comme Betroni, deux chercheurs passionnés de ce bout de terrain, ont suivi les péripéties de sa naissance en pleine mer, mesuré la vitesse et les années qu'il a fallu à cette île, pour venir se blottir sur le continent après les multiples hésitations de ses falaises, à sortir de l'eau. Si, l'un a pris une loupe pour détecter les ricochés des météores qui lui ont gratté le dos, l'autre lui a dédié un poème filmé. Si très peu d'artistes lui sont aujourd'hui amarrés, l'idée de sa protection sous la bannière d'une réserve est largement partagée, même si elle peine à se concrétiser. Les 15 dernières années qui ont contribué à maintenir ces lieux dans la solitude, sont un autre atout pour préserver ce paradis de l'inconscience et l'égoïsme humain. Le refuge de Lalla Foughal, la sainte patronne des lieux, qui domine du point le plus élevé de cette montagne, ne voit plus ses visiteurs défiler depuis qu'il a été détruit. Une très vaste clôture militaire en béton y interdit l'accès depuis 3 ans. Un minimum de points de repères est indispensable à tout visiteur de ce petit massif. Son relief, constitué de collines et de basses montagnes, qui culmine à 9005 m d'altitude, accroche vite le regard. Certes, ce n'est pas le Hoggar, mais le Chenoua est une montagne à terrains essentiellement primaires, c'est à dire anciens. Ces terrains se trouvent sur son versant nord avec, notamment, des schistes noirs qui datent d'environ 400 millions d'années. La période dite quaternaire, c'est-à-dire la plus récente, et qui varie de 1 à 2 millions d'années est pratiquement absente. Il faut se déplacer vers les terrains du versant sud pour y trouver les plus jeunes, qui vont de 35 à 100 millions d'années. Une autre curiosité est couvée dans ce versant sud et au sud-est : des roches volcaniques pointent sur de faibles surfaces. Cette roche basaltique, nous la trouvons également, affleurant la mer, du côté de la « Plage bleue ». Quant aux crêtes, pics et falaises abruptes du versant est, ils sont de natures calcaires dures, bonnes pour l'escalade. La richesse géologique des terrains a permis de « peindre » à profusion ce massif : des dégradés de jaunes, de rouges tachés, de bruns et autres lumières y sont généreusement distribués. Quant à la forêt, elle est dominée par le pin d'Alep dont la résine emplit l'air de ses parfums. On y trouve aussi le thuya, l'olivier, le myrte, la lavande et le lentisque. Les pentes sont généralement fortes. Presque les 3/4 de leurs superficies sont aptes au reboisement. Mais, une dégradation avancée de la végétation est observée. En plus des feux de forêt, dont les derniers ont calciné 130 ha au versant Est, plus de la moitié de la superficie forestière est clairsemée. Cela a engendré une forte érosion «qui risque de prendre des allures catastrophiques, avec des glissements de terrain» notent des observateurs avertis. Et pourtant, le Chenoua est un massif relativement peu sensible aux facteurs de l'érosion. Il fait bon y vivre dans cette montagne marine. Ce fier monument ne dévoile réellement ses secrets qu'à ceux qui prennent la peine de les connaître, en prenant un guide, qu'il n'est pas aisé de trouver.



Rachid Safou.
14/08/2010

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