AVENTURES EN KABYLIE
Au printemps 2014, Phil Bence et ses compagnons d'aventure partent
explorer deux gouffres du massif du Djurdjura, en Kabylie. Ce massif
algérien est un karst bien connu des spéléologues du monde entier. Deux
des gouffres les plus profonds d’Afrique s'y trouvent : l’Anou Iflis
(-1200 m) et l’Anou Boussouil (-805 m). Son relief essentiellement
montagneux est également le siège d'un écosystème varié et d'une
biodiversité protégée par plusieurs parcs nationaux. Pour la petite
histoire, le singe Magot est le seul macaque vivant sur le continent
africain et c’est étonnant de croiser un singe sur un lapiaz !
Récit de cette expédition riche d'histoire et de découverte par Phil Bence…
- Massif du Djurdjura : l’espoir des spéléologues
L’exploration de ces deux grands gouffres a été faite au début des années 80 par des spéléologues français. Après cette période faste, les choses sont devenues plus compliquées pour des raisons politiques, l’accès au massif a été plus difficile et, de 1995 aux années 2000, l’armée a occupé les
montagnes, ce sont les "années noires" du terrorisme.
Depuis quelques années la situation s’améliore doucement et l’accès est maintenant autorisé tout en restant extrêmement règlementée, surtout pour les visiteurs étrangers que nous sommes !
Impossible d’espérer pouvoir explorer des cavités ou des canyons sans être formellement invités par un club du pays. Par l’intermédiaire d’amis tunisiens nous avons pris contact avec le CSSM de Bejaia, une équipe dynamique et motivée pour relancer les explorations sur leurs terres.
- Anou Iflis et Anou Boussouil : le programme d’exploration reprend
Au programme de notre séjour, la visite du gouffre Anou Boussouil avec
comme objectif les points d’interrogations laissés sur la topographie de
la cavité à 500 m de profondeur. Les anciens sont allés au plus évident
et il reste sans doute des continuations à trouver, il faut aller voir
pour en avoir le cœur net. Le gout de l’inconnu est un aiguillon qui
nous titille encore et toujours !
Anou Boussouil
On se retrouve à 15 devant l’entrée, c’est une perte qui collecte les eaux d’une vaste doline. Interdit d’aller sous terre ici avec une météo
incertaine...
La descente est l’occasion pour certains de battre leur record de profondeur, une opportunité à ne pas manquer ! Première descente à - 500 pour Maroua, la première femme du Maghreb à atteindre cette cote. Un symbole fort, les femmes musulmanes ont, elles aussi, la motivation, l’énergie et les compétences pour faire aussi bien que nous les hommes.
Le gouffre est esthétique et facile de progression, c’est un joli canyon bien sculpté jusqu’à l’enchainement des grands puits. Là, il prend
d’autres dimensions.
Quelques
heures plus tard, nous sommes cinq dans la galerie fossile après la
salle des affamés pour fouiller et chercher de nouveaux passages. Parmi
nous, Redha Atia, il est le moteur de la spéléo en Algérie depuis
plusieurs années, sa motivation fait plaisir à voir. Après avoir équipé
un petit ressaut, on trouve rapidement deux nouveaux passages. Dans le
premier, une désescalade permet d’arriver à une étroiture bien ventilée,
le petit gabarit de Redha lui permet de passer et d’aller voir plus
loin dans un méandre jusqu’à une nouvelle étroiture qui nécessitera un
peu de travail pour passer.
Dans
le second, c’est plus simple. Une désescalade entre des blocs amène à
une verticale d’une dizaine de mètre où on pose une corde. La suite
s’enchaine rapidement en désescalade dans un méandre confortable jusqu’à
un ressaut plus exposé. On décide de s’arrêter là, la suite doit se
faire entre algériens, sans nous.... Une nouvelle page de l’exploration
vient de s’ouvrir, à nos amis d’en écrire la suite de manière autonome,
un autre symbole important à mes yeux.
Durant
la suite du séjour, on a exploré d’autres cavités avec moins de chance,
la spéléo c’est ça aussi et le plus souvent : des coups pour rien.
Nous
avons encore eu la chance de parcourir le beau canyon d’Asfis, ouvert
lui aussi par des spéléologues français à la même époque. Il leur avait
fallu plusieurs tentatives pour arriver au bout de cette gorge étroite, un coup de sabre dans le massif. À l’époque, la descente de canyon était
de la "spéléologie à ciel ouvert" et ils avaient équipé en cordes fixes
pour faire l’aller-retour, comme en spéléo. Nous avons rééquipé les
cascades pour une pratique moderne, avec des goujons de 12 mm et des
amarrages inox pour tirer les rappels. Asfis est un petit bijou et il
nous tarde de revenir explorer la partie amont !
C’est à chaque fois une chance et un privilège à mes yeux de partager ma passion avec des spéléologues du monde entier !
Un
grand merci à nos amis du club spéléo de Bejaia, à Hamid le président
pour l’organisation, à Medhi pour avoir initié cette aventure et à nos
amis tunisiens.
Je reviendrai en Algérie, Inch’Allah!
Phil Bence
Source/ http://www.petzl.com/fr/outdoor/news/sur-terrain/2014/07/29/speleologie-aventures-en-kabylie